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Jam : Je suis Jam et vous écoutez Supravore. Mon invitée aujourd'hui est Marion Sarlé, Maraîchère, formatrice, autrice, youtubeuse, conférencière et maman. Marion a effectué sa reconversion professionnelle il y a environ 8 ans puis a monté sa ferme en compagnie de son conjoint. Elle a publié son livre intitulé "Monter sa micro-ferme en hydroponie, bioponie et aquaponie" fin 2020. Et sur sa chaine YouTube "les sourciers" elle publie des vidéos de son quotidien d'agricultrice. Marion merci d'avoir accepté l'invitation.
Marion Sarlé : Merci à vous de me recevoir sur le podcast.
Jam : Alors on se tutoie ? On se vouvoie ?
Marion Sarlé : On se tutoie s'il te plaît !
Jam : Alors je suis tombé sur une de tes vidéos il y a quelques mois, par hasard, je commençais à m'intéresser à des sujets tels que l'autosuffisance, la permaculture, tout ça. Donc j'ai trouvé ton activité très intéressante. Je trouve que c'est dans l'air du temps, le fait de vouloir manger plus sain, d'être plus proche de la nature, de savoir d'où provient sa nourriture. Je trouve que c'est quelque chose que les gens recommencent à apprécier, c'est quelque chose qu'on a perdu de vue un petit peu avec toute l'urbanisation, toute notre économie actuelle et aussi je pense qu'avec la pandémie, les gens ont reconnu une certaine fragilité de l'accès à la nourriture. Donc c'est pour ça que ça m'a super intéressé de te parler et donc avant je connaissais pas du tout le terme aquaponie, est-ce que tu peux nous en donner une petite définition ?
Marion Sarlé : Allez, je fais de mon mieux pour que ce soit compréhensible pour tout le monde. Alors la grande famille, c'est la famille de l'hydroponie, ça, c'est le nom de la grande famille Hydro comme l'eau et Ponos le travail, donc le travail de l'eau, ça veut dire que les plantes, elles poussent dans l'eau, ce qui est assez fou. Alors il y a des gens qui vont dire, mais elles vont tomber dans l'eau, mais en fait, elles sont soutenues par un substrat. Bon, elles sont posées sur l'eau, on va dire, mais les racines, voilà, elles s'alimentent de nourriture qu'elles trouvent dans l'eau et donc dans la grande famille hydroponie, on trouve 3 sous-familles. Donc il y a l’hydroponie minérale où on nourrit les plantes par des minéraux, la bioponie où du coup c'est des matières organiques qui vont nourrir les plantes et l’aquaponie où c'est des poissons qui font des déchets et c'est les déchets de ces poissons qui nourrissent les plantes, en gros.
Jam : D'accord, donc, c'est l’hydroponie qui est la grande famille ?
Marion Sarlé : Et après, en fonction de comment on les nourrit, on peut décliner, bioponie et aquaponie en fonction de l'origine de la nourriture qui apportée aux plantes. Mais dans tous les cas, les racines flottent dans l'eau et cette eau, généralement, elle est recirculée, donc ça nous permet de faire de très grandes économies d'eau, même si c'est un peu contre-intuitif, elles poussent dans l'eau, mais on dépense très peu d'eau parce que l'eau en fait, elle circule dans des tuyaux jusqu'à ce que les plantes les absorbent. Y a pas de moment où elle est perdue pas comme en terre où tu vides ton arrosoir, et après, il y a une partie qui touche les racines et l'autre partie bon bah tant pis.
Jam : Et donc il n’y a pas du tout de terre dans cette méthode ?
Marion Sarlé : Non, il n'y a pas du tout de terre. Donc l'idée c'est pas de remplacer la terre alors attention je mets des gros warning. Moi je suis très fan de la terre, on a très gros potager en terre ici. Nous notre objectif c'était d'aller explorer des alternatives quand les gens n'ont pas de terre, donc typiquement en agriculture urbaine ou quand la terre ils y ont accès mais elle est polluée comme malheureusement pas mal de friches industrielles en milieu urbain périurbain mais aussi dans les dom-tom. Il y a beaucoup de pollution à cause de la production de bananes et de canne à sucre. Donc il y a beaucoup de terre qui sont inexploitables pour le maraîchage, donc là ils viennent nous voir pour qu'on leur montre comment est-ce qu'on peut s'affranchir du sol et quand même faire pousser des plantes très bonnes et très saines. Et y'a aussi pas mal de gens qui viennent nous voir d'Afrique du Nord et eux ont des problèmes d’aridité et donc cette technique permet d'utiliser très peu d'eau. Donc en fait c'est une alternative qui répond à des enjeux du réchauffement climatique, d'autonomie, et cetera. Mais c'est pas « l'alternative ». Je fais très attention au choix des mots parce qu'il y a plein de techniques qui existent. Nous on a choisis d'explorer celle-là, mais il y en a plein d'autres et on a besoin de plein de solutions différentes pour s'adapter en fonction du contexte de chacun.
Jam : J'avoue que ça m'étonne un petit peu quand tu parles d'enjeu climatique, de réchauffement climatique, parce que pour moi, ce problème de réchauffement climatique, il y a aussi le problème de l'accès à l'eau, de disponibilité de l'eau qui pourrait être devenir de plus en plus difficile d'accès dans le futur. D'ailleurs, on le voit déjà, c'est déjà le cas dans d'autres régions du monde, notamment au Colorado, Somalie ou quelque part en Afrique en tout cas, il y a quelques frictions qui commencent à se créer entre différents pays, pour l'accès, par exemple à un fleuve ou une rivière, et est-ce que faire de l'aquaponie dans ce contexte, est-ce que ce ne serait pas du luxe ?
Marion Sarlé : Bah au contraire, non parce que tu utilises beaucoup moins d'eau qu'une agriculture normale. En fait, comme c’est des tuyaux, bon en plastique hein, mais l’eau qui circule, elle s'évapore pas du tout. Donc en fait la seule qui est consommée, c’est celle qui vont dans les légumes, donc on économise 90% d'eau par rapport à une culture en terre. Donc en fait les gens ils vont juste quand ils ont très peu d'eau et qu'ils ont quand même besoin de faire pousser leur nourriture. C'est triste hein mais ils ont juste pas le choix que de passer dans des systèmes de hors-sol juste pour pouvoir économiser de l'eau. Après pour moi, dans ces cas-là c'est pas une solution permanente. La solution permanente, ce serait d'arrêter de polluer la terre, de freiner le réchauffement climatique et de récupérer de l'eau de pluie. Donc on va dire que c'est … enfin moi je le vois comme un pansement. Heureusement, il y a beaucoup, beaucoup de gens qui font beaucoup de recherches sur des solutions permaculture qui ont un impact plus positif sur le long terme et c'est très bien et mais là en attendant, ça permet à des gens qui sont vraiment dans des situations critiques de quand même réussir à faire pousser leurs plantes. Et tu vois là, euh. Les 3 derniers jours, on avait une formation, il y avait une personne qui est venu du Burkina Faso, une autre qui est venu du Congo et une autre qui venait du Mali. Et à chaque fois sur des problématiques d'eau sur leur période sèche, ils ont une période de pluie, une période sèche. Et il me disait, il y en a un, il fait du bétail, bonjour Baccari si tu m'écoutes ! Et sur la saison des pluies, le bétail peut pâturer autour de chez lui en saison sèche, ils sont obligés d’être emmenés super loin sur la montagne et il me dit, ben c'est mauvais pour le bétail parce que c'est trop loin pour eux, pour les gens de sa famille, ses cousins qui doivent amener le bétail sur la montagne, c'est compliqué. Et donc en fait, il explore des solutions en hydroponie pour faire du fourrage vert pour ses animaux sur la saison sèche et en utilisant très très peu d'eau. Et donc voilà, c'est pour ça que pour lui c'est juste pour réussir à continuer son élevage.
Jam : Ouais, super intéressant, je savais pas du tout que ça pouvait aider les éleveurs à créer de la nourriture pour leurs animaux. Mais c'est vrai, c'est une solution aussi. Pour toi, ça a démarré comment ? Est-ce que c'était juste pour ta consommation personnelle. Tu voulais faire pousser des salades, sur ton balcon ou est-ce que c'était quelque chose ou t'avais de grandes espérances après ?
Marion Sarlé : Ah non, pas du tout. Moi c'est arrivé avec beaucoup de légèreté. Tous les enjeux, je m'en suis vraiment rendu compte, c'est arrivé petit à petit. Je me suis dit « Waouh ». Non, je n’avais vraiment pas conscience des enjeux du monde agricole et des enjeux climatiques un petit peu, mais je me sentais pas porté par ce sujet à cette époque. J'étais vraiment dans une vie différente. On parle de 2011 la première fois que j'ai touchée l’hydroponie. J'étais citadine, je travaille pour une grosse boîte de pub en Argentine, vraiment le truc qui n'a absolument rien à voir avec ma vie actuelle. Voilà, je te parle d'une cabane de chantier en bottes. C'est vraiment autre chose, une autre vie. Et en Argentine ils mangent beaucoup de viande, il mange très peu de légumes. Moi j'adore ça quand même, manger des légumes, donc j'avais un tout petit balcon et j'avais décidé de faire pousser des plantes sur mon balcon. En Argentine, c'est assez développé l’hydroponie parce que leurs terres sont polluées. Euh, parce que ils font beaucoup de soja, Monsanto, qu’ils vendent à la Chine, enfin bref. Ils n’ont pas les normes sanitaires que les exigences réglementaires que nous on a en Europe donc ils polluent mais tout ce qu'ils veulent et du coup ils ont beaucoup de mal à produire des légumes en pleine terre. Donc, ils ont développé quand même pas mal l’hydroponie là-bas. On s'est formé là-bas comme hobby, et on faisait ça sur notre balcon, on faisait pousser des plantes. J'étais très, très bluffé par la qualité nutritive des plantes, par le goût. En Argentine, n'y avait pas des choses aussi fortes en goût, donc on faisait de la roquette qui arrachait la bouche, des fraises ultra sucrés. Et du coup, Nicolas, mon mari qui est très branché biologie/chimie, très curieux, il a dit mais attendez quand même, c'est pas possible que juste ces quelques minéraux puisse apporter toutes ces valeurs nutritives à ces plantes toute cette puissance en bouche. Donc il s’est vraiment renseigner là-dessus et il s'est vraiment passionné par le sujet. Donc maintenant même à la maison, il regarde tous les ingrédients de tout, l'eau minérale, chaque produit qu'on utilise, il va regarder la composition, il est vraiment à fond. Et du coup la reconversion, on s'est dit bah on n'est pas très heureux dans nos métiers. On aimerait bien faire quelque chose qui apporte quelque chose au monde de bien. La pub j'avais vraiment l'impression que tous les jours, je faisais quelque chose qui rendait le monde un peu pire et je me suis dit, bah c'est quand même dommage à 20 ans ne pas faire quelque chose qui rend le monde un peu mieux. Au moins arrêter de le rendre un peu pire. Et donc on a décidé de déménager en France. On ne savait pas trop ce qu'on voulait faire. Et petit à petit, la vie nous a amené sur la voie de l’hydroponie, par des rencontres, par le fait d'être à l'écoute et d'écouter un peu les signes du destin. Et voilà, la vie nous a mis sur notre chemin des gens et c'est comme ça qu'on s'est plongé là-dedans. Mais non, non. On n'avait pas, on n'avait pas pris conscience des enjeux, je pense au tout début.
Jam : Et est-ce que monter une micro-ferme, c'est une micro-ferme, on dit comme ça ?
Marion Sarlé : Une micro-ferme, oui.
Jam : Est-ce que c'est accessible à tout le monde ? Par exemple, pour n'importe qui, qui habite en ville, est-ce que sur un balcon on peut faire pousser, je ne sais pas, des salades ou des fruits ? Est-ce qu'on peut tout faire pousser aussi ?
Marion Sarlé : Alors, toutes les plantes poussent en hydroponie. Parce qu'en fait en hydroponie, on essaie de se rapprocher au mieux à la terre. On ne pourra jamais faire aussi bien que la terre, mais on essaie de s'en rapprocher. Il y a différents systèmes qui existent, différents substrats, donc on peut faire des plantes très grosses comme des arbres sans aucun problème. Il suffit juste d'avoir le système qui soit adapté. On peut faire des plantes même très aride comme des cactus. Nous, on en fait, dans notre serre, il suffit juste de d'adapter son irrigation, son substrat. Tout ! On peut même faire des patates, tout pousse en hydroponie, à condition qu'on trouve le bon système pour le faire pousser. Maintenant, tout n'est pas intéressant économiquement à faire pousser en hydroponie et les patates. Il faut beaucoup économiquement, c'est beaucoup plus intéressant de les faire dans la terre, qui est parfaite pour ça, que de les faire en hydroponie. Donc généralement, ce que les jardiniers ou les maraîchers font pousser et choisissent de faire pousser en hors sol, ça va être plutôt des aromates au des légumes. Donc dans les légumes souvent c'est aubergine, poivron, tomate, piment, concombre. Et les aromates surtout parce que le goût est vraiment extraordinaire et aussi on fait, on fait des fleurs comestibles aussi. N'importe qui sur son balcon peut fabriquer un petit système maison pour faire pousser des petites plantes. Il faut avoir quand même un peu de lumière. Comme pour toutes les plantes et avec serre sans serre, peu importe, surtout si c'est pour faire un potager. L'idée c'est de manger un petit peu. C'est pas forcément de vivre de sa production.
Jam : Et la météo ça a une influence, j'imagine.
Marion Sarlé : Bah comme alors comme pour toutes les plantes, que soit hydroponie ou pas. En fait souvent il y a cette espèce de corrélation, on pense, hydroponie égal ferme, serre refermé avec chauffage et lumière. Ben non, on peut faire de l’hydroponie sans chauffage, sans lumière comme nous par exemple, et même il y en a plein qui en font sur les toits sans serre, c'est exactement la même chose qu'une culture en terre là-dessus. Si t’a pas de lumière tu fais pas de plantes, s’il fait froid, les plantes poussent plus lentement ou elle poussent pas. Donc ça ne change pas d'un potager normal ce mode de culture finalement, la plante elle a quand même besoin d'avoir un peu de lumière, un peu de chaleur.
Jam : Les plantes sont des êtres vivants, donc ils ont aussi de besoin, des besoins nutritifs. Donc ce hobby s'est transformé en un vrai projet d'entreprise dans lequel tu t’est lancée avec Nicolas il y a 8 ans, en 2013, c'est ça ?
Marion Sarlé : Bien ! Ouais exactement.
Jam : Et du coup aujourd'hui est ce que ça marche bien ? Est-ce que t'en as satisfaite ou est-ce que tu trouves dans la situation malheureuse de plein d'agriculteurs en France qui ont du mal à tirer un bon revenu de leur activité ?
Marion Sarlé : Moi, aujourd'hui, je suis très contente de mon activité, on a envie bien, on arrive même à mettre des sous de côté, donc c'est assez précieux et rare. Ça ne va pas forcément être le cas de tout le monde qui va se lancer sur la même activité. Au début, je n’étais pas très contente parce que les premières années, c'est quand même beaucoup d'heures de travail, comme pour n'importe quelle entreprise. Tu me diras mais, tu te payes pas les premières années, t'investit et tu travailles beaucoup, beaucoup d'heures pour un truc, tu ne sais pas vraiment, si ça va marcher ou pas. Donc c'est vrai que les premières années, c'était un peu difficile. Et on a passé beaucoup de temps en fait à développer la technique. Ça n’existait pas les micro-fermes comme la nôtre. Ce qu'on essayait de trouver, c'est le gros challenge, quelque chose qui économiquement soit viable et écologiquement, nous conviennent. Et en fait, faut faire le choix quoi, parfois. Et moi je voulais… enfin on a quand même des valeurs qui sont assez fortes maintenant et il y a beaucoup de choses. Je suis pas prête à les sacrifier quoi je voulais un substrat qu'on puisse réutiliser à l'infini, qui soit écologique, qu'on n'ait pas besoin de laver avec des produits chimiques. Enfin, je suis très exigeante sur pas mal d'aspects. Et c'est une équation et un équilibre qui est assez difficile à trouver pour faire quelque chose dont on est fiers et qui nous permette de vivre parce que il y a plein de systèmes dont t'es très fière mais derrière si tu passes trop de temps dessus ou si ça te coûte trop cher, ben tu peux pas en vivre. Donc on a réussi à trouver un équilibre qui est rare et précieux, technique, économique, et maintenant on donc là, ça fait quand même 8 ans. Ces dernières années et pour les années qui viennent maintenant, ce que je veux, c'est me libérer un maximum de temps et ça, ça passe, pas sur l'automatisation parce que moi je suis vraiment plus pro low tech et observation des plantes, j'ai pas du tout envie de tout automatiser mais c'est plus sur l'organisation même de l'entreprise donc c'est du lean management. C’est LEAN, comme pour les grosses entreprises mais on peut là tout à fait l'appliquer à des microformes c'est juste des systèmes hyper intelligent d'analyser en fait : toi combien de temps tu mets à récolter et du coup où est-ce que tu peux positionner ta table de travail pour que tes récoltes ça prenne moins de temps ? Comment t’organise tes livraisons pour au passage aller chercher tes fournitures ? Bref, c'est que de l'organisation qui permet de libérer du temps. Parce que maintenant qu'on a des enfants, moi le plus important, ce n’est pas de gagner plus, c'est d'avoir plus de temps avec elles, ça c'est très personnel, chacun fait comme il veut. Et pareil au niveau économique, je me suis rendu compte qu'on n'a pas tous les mêmes attentes. Nous, voilà, on cherche pas avoir des vacances aux Maldives ! On n'est pas très exigeant, on produit beaucoup de notre nourriture. Euh dans la serre et dans un potager en pleine terre, on a des poules. Enfin, on est, on fait pas mal de troc aussi avec nos voisins parce qu'on habite à la campagne, ça se fait naturellement. Donc finalement on arrive à vivre avec assez peu et ça nous convient. Et on a aussi eu la chance de trouver une serre en location, ce qui fait qu'on n'a pas de dettes. Donc notre modèle économique c’est aujourd'hui on a en vie bien, on considère que c'est largement suffisant pour nous, c'est aussi parce que on n'a pas besoin de beaucoup et parce que on a, quand on a développé l'activité, voilà, on a tout fait nous-mêmes. À chaque fois, on attendait d'économiser avant de dépenser et donc on n'a pas de dettes et ça c'est génial.
Jam : C'est sûr, ne pas avoir de dettes c'est libérateur.
Marion Sarlé : Ouais, incroyable. Quand il y a eu le COVID, si on avait eu des dettes, on aurait vraiment été inquiété. Là on s’est dit juste bon bah tant pis !
Jam : Donc vous n'avez pas eu besoin de beaucoup de capital, vous n'avez pas eu besoin de convaincre des banquiers de votre projet, et cetera.
Marion Sarlé : Non, euh, je ne sais pas si c'est intéressant pour le podcast de rentrer dans les chiffres mais si besoin j'ai aucun problème à en parler.
Jam : Oui on peut en parler.
Marion Sarlé : Ok ! Donc on est arrivé sur une serre en location, donc pour une serre faut débourser entre 50 et 100 000€, direct. Donc là généralement faut passer par l'étape banque ou par l'étape subventions, dans le milieu agricole il y en a quand même pas mal, justement pour pousser les gens à l'installation. Mais pour certaines il faut un diplôme agricole et on en avait pas. Donc nous on a choisi de pas demander de subvention ni rien. En serre à location, on avait 200€ par mois de loyer à payer donc c'est tout à fait raisonnable. Et finalement on a regardé les 2 premières années au niveau de ce qu'on a investi. De la serre, donc ça va être système de culture, les parpaings, les fils et cetera, tout ce qui est vraiment, équipements qui reste, on en a eu pour à peu près 25 000€, dans les 2 premières années. Et après, il y a les charges courantes de fonctionnement, l'essence, les emballages, les sécateurs, enfin des choses que tu dois remplacer en permanence. Mais globalement ça on a réussi à le réduire d'années en années. Et aujourd'hui en charge courante donc sans compter ce qu'on se paye. Mais on a entre 500 et 1 000€ de charge, un peu plus si on prend des stagiaires parce qu'on les paye. Mais quand on n'a pas de stagiaire c'est ça et donc finalement très rapidement t'arrives à te payer parce que on a des charges qui sont très faibles.
Jam : D'accord. Bah c'est cool.
Marion Sarlé : Et ça c'est dans le monde agricole, tu vois, c'est pas ce que les gens et pas ce que la chambre de l’agriculture te pousse à faire. Généralement, on te pousse à investir, on te pousse à embaucher, à t’agrandir et nous en 8 ans, mais le nombre de fois où on m'a dit « Mais Marion, tu veux pas t’agrandir ? » Non, je veux pas m'agrandir ! Je trouve que ma surface toute petite, 600 m², est parfaite. Je veux l'optimiser, je veux surtout pas grandir et c'est difficile, faut être fort.
Jam : Difficile de ne pas subir la pression sociale, la pression des autres ?
Marion Sarlé : Exactement ça. Parce que tout le monde tient ce discours, tes parents, tes amis « Alors ça y est, vous allez embaucher, ça y est, vous allez vous agrandir, vous allez trouver plus de clients ». Moi je leur dis, je ne veux pas plus des clients, je veux vendre plus à mes clients à la limite. Mais si j'ai plus de clients, ça me fait plus de kilomètres à faire, ça me fait une personne de plus à gérer dans ma compta une facture de plus enfin bon, c'est donc voilà.
Jam : Et ça t’éloignera de l'activité en elle-même, ça sera plus une activité de manager que tu auras plutôt que une activité de maraîchère.
Marion Sarlé : T'as tout compris. Et si c'était pour rester manager dans un bureau, à gérer des RH, je n'aurais pas changé de métier, je serais resté dans mon métier d'avant parce que c'est pas ça qui qui m'éclate. Là ce matin, juste avant, je suis revenu en courant de la serre qui est à 200m devant moi et j'étais en train de regarder mes semis, de les arroser, de mettre à niveau des chambres de culture et ça c'est c'est génial de pouvoir faire ça, c'est incroyable. Je mesure ma chance.
Jam : Ouais d'ailleurs, vous avez déménagé récemment, vous étiez dans une serre un peu plus grande et c'est ça, vous avez rappetissé la serre ?
Marion Sarlé : Très bien renseigné ! Ouais c'est ça.
Jam : Non mais c'est intéressant, c'est pas le genre de choses que font les gens généralement. Effectivement, on essaie d'avoir toujours plus mais c'est pas votre cas et c'est rafraîchissant, c'est très bien. Donc tout ce tout ce travail, tout ce parcours, qui était plein de challenges et d'embuches, j'imagine. Il fallait bien le raconter dans un livre que tu as publié il y a un an presque. Donc « Monter sa micro-ferme en hydroponie, bioponie et aquaponie ». Je l'ai feuilleté il y a quelques temps super abordable, très bien écrit, très joli, avec des couleurs et tout, les dessins c'est pas toi qui les as fait ?
Marion Sarlé : Non !
Jam : On ne peut pas tout faire ! De très jolis dessins, dessinés à la main, du coup, ça donne un peu le côté carnet de notes qu'on a entre les mains. Donc ça donne aussi plus d’abordabilité à l'activité donc c'est sympa. Est-ce que … Alors t'avais quand même déjà pas mal de travail, est-ce que se rajouter l'écriture d'un livre, c'est quelque chose que tu savais que ça allait prendre du temps. Ou c'était juste « allez encore un challenge, on y va ».
Marion Sarlé : Je savais que ça allait prendre du temps, donc quand j'ai commencé, je me suis vraiment pas mis de pression. Je crois que j'ai commencé en 2017, tu vois ? Je ne pensais pas que ça allait être aussi dur et aussi long. Je l'ai vraiment vécu comme un accouchement de plus ! Mais j'adore ça les challenges et en plus je choisis jamais le chemin facile donc j'avais été contacté par des maisons d'édition et c'est eux qui m'ont convaincu d'écrire un livre. J'ai fait plusieurs rendez-vous avec plusieurs maisons d'édition et c’est eux qui m'ont dit mais c'est génial, faut que tu le partages et cetera. Et c’est eux qui m'ont chauffé et en fait, après, je me suis dit enfin, quand j'ai commencé à regarder les collections dans lesquelles il voulait me faire rentrer, je trouvais pas que c'était des beaux objets et je me suis dit franchement, quitte à me donner tout ce mal. Moi, je veux que mon livre il soit exactement comme je l'ai imaginé, avec des photos pleines pages, avec des jolies couleurs, un bel objet, quoi. Et donc je me suis dit « Ah bah, je vais l'auto éditer ». Non mais ça c'est de la folie, ça ! Autant écrire un livre, c'est très dur mais l’auto-éditer, c'était n'importe quoi ! Et parce que du coup, qui dit auto-édition, dit qu'il faut avancer les sous qu'on n'avait pas, à l'imprimeur, dit campagne de financement participatif dit énormément de travail. Pour faire une campagne de financement participatif réussie, il faut vraiment, vraiment beaucoup investir de temps et aussi d'argent parce que du coup il faut des jolies photos, il faut des jolies vidéos, et cetera. Enfin bref. Grosse mission mais je suis hyper contente et fière de l'avoir fait, parce que ça m'a fait découvrir un nouveau monde qui est le monde de l'édition et j’ai vraiment dû passer par toutes les étapes, le dépôt légal, le numéro d’ISBN, les corrections, les bêta lecteurs, les calculs, des marges. Enfin, c'est un énorme projet mais je trouve ça vraiment chouette. Moi je voulais le laisser à mes filles pour qu'elles aient notre parcours. Et puis et puis ça rend un peu, c'était mon idée, la technique très accessible à des gens qui sont pas forcément sur YouTube, qui ne regardent pas nos vidéos et qui ont pas non plus envie ou les moyens de se payer une formation avec nous. Donc ça permet à n'importe qui d'avoir un petit bout de connaissance, et mon idée, c'est surtout de planter une petite graine, mais que ces gens, s'ils aiment bien, ils vont un peu plus loin après par eux-mêmes, et voilà. Ouvrir les esprits sur ce mode de culture qui est souvent diabolisée et donner un peu envie.
Jam : Heureusement, t'as ton conjoint avec toi, vous êtes 2 à travailler sur le projet. Une journée type, ça ressemble à quoi ?
Marion Sarlé : Comme plein de métiers manuels, il n'y a pas de journée type ! Mais je t'invente une journée type, faudrait que je fasse une vidéo d'ailleurs « a day in life » ! Journée type on se réveille, on se réveille assez tôt, on prend le petit déjeuner en famille avec les enfants, on prend bien notre temps au petit déjeuner, c'est important. On rigole bien, généralement. Ensuite, moi je vais par exemple poser les filles à l'école, lui, il va direct à la ferme pour commencer la récolte. Puis je le rejoins sur la récolte, ont récolte tranquille, vers 10h on fait une pause-café et ensuite il y a un qui part livrer et moi je vais rester sur la ferme, je vais faire par exemple ma planification de semis, je vais voir ce qu'il y a en bonne santé ce qu'il faut semer en fonction du climat ? Et après on se retrouve pour déjeuner. Généralement, on fait une bonne pause le midi et ensuite on se retrouve en fin de journée à la serre. Là, je sais pas, on va monter un système, faire des travaux. Moi je peux filmer une vidéo, des choses comme ça, après y'en a un des 2 qui va chercher les enfants à l'école à 16h30 et après ça, on revient tous ensemble sur la ferme avec elles. Généralement, je profite d'être avec elles pour faire des choses qu'on peut faire ensemble, arroser les plantes elles adorent, nettoyer des pots paniers, nettoyer, des billes d'argile. Voilà et après ça, on retourne chez nous généralement vers 19h. Avec les bras pleins de petites plantes et puis voilà, on cuisine, on lit des histoires et puis les dents et au lit.
Jam : La serre dans laquelle vous êtes actuellement, vous êtes encore en location ?
Marion Sarlé : On est encore en location. Alors là, c'est génial ! Encore mieux qu'avant, parce qu’avant on était en location chez des horticulteurs, qui avait juste une serre sur leur terrain, donc on louait juste un petit bout de serre. Là ce coup-ci c'est la mairie de Lagraulet-Du-Gers, donc ça c'est mon village pour s'imaginer, c'est au milieu du Gers, 600 habitants, c'est minuscule. Euh, on est dans un village qui est extraordinaire, c'est aussi pour ça qu'on est restés au lieu d'aller s'installer en ville. Là on avait prévu d'aller au début, le maire a développé une cantine bio pour les enfants et là il veut la faire un maximum en autoproduction. Donc il a acheté un terrain juste à côté du centre du village. Faut absolument que tu viennes voir un jour, tu es invité officiellement ! Et tu verras du coup, depuis l'école, c'est à 100m à pied, donc les enfants ils peuvent descendre depuis l'école et c'est en fait une ferme communale, c'est à dire que il y a un employé communal au lieu d'être là à mettre des fleurs sur des ronds-points, le maire, il a dit on s'en fout des ronds-points, il a fait un tas de cailloux et l'employé communal il a dit bah ces heures-là tu les passes au potager et donc il a fait faire un potager à son employé communal. Et les enfants viennent pour planter, ils ont planté des arbres fruitiers, l'agroforesterie, il s'occupe des légumes avec les enfants de l'école et ensuite ces légumes sont récoltés par les enfants ou par l'employé et ils sont passés à la cantinière et la cantinière du coup, elle prépare tous les repas avec les légumes du potager. Et donc nous sur ce grand terrain qui fait 13 ha qui est énorme avec un bois et un lac, le maire a construit une serre enfin a déplacer notre cerveau parce qu'on lui a donné notre serre. Il a déplacé la serre, nous, on occupe la moitié et son employé communal occupe l’autre moitié et donc nous ici pour le même loyer donc toujours 200€ par mois, on occupe la moitié de la serre. Mais on a aussi tout l'espace qu'on veut pour notre potager en pleine terre. Là où on fait aussi beaucoup de fleurs comestibles et on a même des bâtiments, donc là je suis dans un petit bungalow qui me sert de bureau ! Et c'est génial parce que du coup on n'est pas seul sur ce terrain avec l'employé communal, on voit les enfants qui passent, on voit des gens, enfin c'est…
Jam : Y de la vie quoi.
Marion Sarlé : Ah ouais et puis bah hier il y avait un énorme cerf, on est arrivé le matin, il y avait un cerf monstrueux au milieu du champ ! On voit souvent des femelles et des brocarts, il y a des sangliers et plein d'oiseaux. Alors en ce moment, je suis en train de me passionner pour les oiseaux, j'essaie de les reconnaître à leur chant, c'est hyper dur, mais y'en a plein, plein, plein, c'est génial.
Jam : Et du coup, vous allez pouvoir rester sur place plus longtemps ?
Marion Sarlé : Bah là, on a fait un vrai, un vrai bail rural donc un bail rural c'est 9 ans et donc là ça vaut le coup, on a prévu là cet après-midi, je vais voir un horticulteur qui fait des arbres fruitiers un peu rares. On a prévu de planter un beau verger. Et ça, tu le fais pas quand t'es sur un terrain ou tu renouvelles ton bail tous les ans parce que c'est un peu un investissement quand même de mettre les arbres et de les et de les chouchouter.
Jam : Un verger en aquaponie ou … ?
Marion Sarlé : Non là, ça serait en pleine terre. Ça va être un peu comestible mais c'est surtout pour ramener de la biodiversité. Parce que faut tout qu'on reconstruise niveau biodiversité. Je pensais pas que ce serait à ce point là mais dans notre autre serre, on été entouré de haies il y avait beaucoup, beaucoup d'insectes. Et là, je me rends compte que le fait d'être à côté d'un bois, qui est un bois de pin, qui est un bois cultivé, tu vois que du coup, l'agriculteur qui s'occupe de ce bois le nettoie régulièrement. Ça c'est horrible, il passe le roto broyeur au milieu, il y a plus rien ! Et bah du coup, on a beaucoup moins d'insectes. Donc là, à l'automne on a eu pas mal de ravageurs qui sont venus. Et donc nous on veut attirer du coup ces insectes prédateurs pour qu'ils se débarrassent des insectes ravageurs. Vu qu'on traite pas du tout et ça passe par l'installation de haies, d'arbres, et cetera. Ces insectes ensuite nous aident.
Jam : Ouais. Dans le livre, j'ai vu qu'il y avait des insectes prédateurs aussi, donc des insectes prédateurs pour d'autres insectes j'imagine. Et donc ça, ça crée une biodiversité, une diversité, un écosystème qui est super autosuffisant on va dire.
Marion Sarlé : Ouais, ah ouais. Mais ça marche vraiment, c'est épatant. Nous, on n'a jamais, jamais traité, on ne met pas non plus de produit autorisé en agriculture biologique. On veut vraiment rien mettre, justement pour favoriser l'installation de tous les insectes. Et il y a un équilibre qui se crée et c'est, c'est incroyable quand tu vois le ravageur qui arrive, et paf le prédateur, et voilà ils se débrouillent, ils font leur vie.
Jam : Ouais c'est un beau spectacle j'imagine. Donc du coup maintenant, puisque c'est une entreprise, il faut bien des rentrées d'argent. Vous avez des clients ? T'as parlé de la mairie avec l'école, j'ai vu dans le livre que vous vendiez directement au restaurant aussi, à certains restaurants. Vous vendez aussi aux particuliers ou il y'en a pas assez pour tout le monde ?
Marion Sarlé : Alors la mairie on ne vend pas à eux en fait. Nous on leur loue le terrain, mais eux ils produisent pour eux-mêmes, nous on vend pas du tout à la collectivité, je pense qu’on ne pourrait pas parce que ils achètent principalement des légumes et les achètent vraiment pas cher. Moi, comme j'ai une petite surface, j'ai besoin de faire des plantes à forte valeur ajoutée, ça veut dire des plantes qu'on vend un peu cher. Donc je ne veux pas faire des tomates rouges pas bonne qu'on vend 2€ le kilo, je vais faire des variétés anciennes rares que je vais vendre 4€ le kilo. On vend que à des restaurateurs, on a 25 clients qui sont répartis autour de chez nous mais quand même assez loin parce qu'on est assez loin de tout et on ne vend pas aux particuliers parce que les particuliers sont trop relou ! Désolé d'être sincère ! Quand ils viennent sur la ferme, ils passent 1h30 à papoter. En plus, moi j'adore les gens, donc je les reçois bien et je prends le temps de papoter avec eux. Mais ils restent 1h30, ils achètent pour 3,50€ de basilic donc je préfère qu'ils ne viennent pas et après on a travaillé un peu avec La Ruche qui dit Oui mais c'est aussi très long parce qu'il faut préparer des conditionnements pour les particuliers, c'est des petites boîtes de 25 g alors que pour les chefs je fais du 100 200 g, parfois c'est au kilo donc ça va plus vite. Et les chefs ils sont quand même très réguliers dans leur commande et comme on fait des plantes aromatiques un peu rare les chefs, ils sont beaucoup plus à même de me les acheter que les particuliers qui vont peut-être s'en servir une fois parce qu'ils ont des invités. Ils veulent un peu, voilà faire une recette un peu fofolle. Mais les chefs, ils sont beaucoup plus réguliers, donc tous les lundis on envoie notre liste de produits disponibles où généralement il y a des dizaines et des dizaines de variétés différentes. Et eux ils passent commande et ensuite on les livre une fois par semaine et en fonction de la zone géographique où ils sont, ça va être une livraison le mardi, mercredi, jeudi ou vendredi. Donc tous les jours on récolte et on livre. Et donc c'est un peu notre argument. On dit qu'ils sont livrés le jour même de la récolte et ça il ne le trouve pas ailleurs. En fait, quand on a fait notre démarche commerciale, là je rentre un peu dans l'aspect marketing ! On savait, on voulait produire, mais on savait pas à qui vendre, donc on allait voir un peu tous les acteurs. On pouvait vendre, faire de la monoculture, produire une seule plante, la vendre à Rungis. Mais on trouvait pas ça très intéressant. Donc on s'est dit Bah y'a bien des gens qui doit avoir besoin de quelque chose. Et les restaurateurs ? Ils nous ont dit qu’il y a beaucoup de maraîchers ici mais y a pas de producteurs d'aromates. Ils ont que du persil et de la ciboulette et que du coup presque toutes les aromates rares et les fleurs comestibles, ils les achètent à Métro, qui est qui fait de la très bonne qualité hein, mais souvent ça vient de l'étranger et donc ils ont dit. Bah si vous pouvez nous faire du Shiso japonais et de la Mitsuba en local, on serait ravis et nous on a dit « challenge accepted » ! Et donc c'est comme ça qu'on s'est lancé qu'on s'est lancé là-dedans.
Jam : C'est comme ça que vous avez trouvé votre niche.
Marion Sarlé : Ouais, exactement.
Jam : Ouais et puis vendre des à des clients particuliers, ça demande beaucoup de travail et c'est pas du tout le type de structure adaptée. Par contre, vous proposer aux particuliers des formations.
Marion Sarlé : Voilà, et des pros d'ailleurs.
Jam : Aux pros aussi, ok. Tu peux en parler un petit peu ?
Marion Sarlé : Ouais, ben en fait ce système là on l'a vraiment développer, mais littéralement en fait on est allé voir une entreprise qui faisait déjà des systèmes hydroponiques à toute petite échelle pour des gens qui font pousser des plantes dans leur garage, dans des placards, dans leur sous-sol, et on leur a dit bah nous on voudrait faire utiliser cette technologie qui existe et qui fait des plantes de qualité mais pour une plus grande échelle et faire des plantes aromatiques type basilic. Et cette entreprise, elle est dans le Gers, c'est pour ça aussi qu'on est allé dans le Gers, pour être à côté de chez eux. Elle s'appelle Terra Aquatica. Et on a designé dans leur bureau et on a usiné, ils nous ont mis à disposition tous leurs outils, on a usiné, on a fabriqué, on a conçu ce système de culture. Et puis on l'a monté et puis ça a marché, pas très bien au début, on l'a modifié, ça a mieux marché, on l'a remodifié, ça a mieux marché. Bon, tu sais comment c’est. Ça a pris quand même plusieurs mois voire années de R&D. Et après, quand ça a bien marché, moi j'ai commencé à en parler parce que je ne peux pas m'empêcher dès que j'apprends quelque chose, j'ai envie de le partager, surtout parce que je recherche aussi beaucoup de retours. Moi, mon cerveau, il pense pas du tout à tout, mais du coup quand je fais une vidéo, je la partage, y'a plein de gens dans les commentaires qui me disent « Ah et t'as pensé à ça et t'as regardé ça » et on s'enrichit collectivement, j'adore. Donc je j'ai toujours partagé tout ce qu'on a fait dans notre aventure. Et ça m'a donné du coup la visibilité, principalement sur YouTube et du coup, il y a quand même pas mal de gens qui ont commencé à me poser plein de questions, surtout quand j'ai dit que économiquement ça marchait pour nous et qu'on était heureux de notre vie. C'est rare et précieux. Donc au début, je répondais à tous les mails, je faisais des visites guidées gratos pour tout le monde, n'importe quand, puis je me suis vite fait déborder. Et on a dit bon, on va cadrer ça. Et en 2015, on a commencé à préparer une formation où les gens venaient sur place, mais après y'a des gens qui sont quand même très loin, des gens du Canada, des gens de Nouvelle-Guinée, vraiment très loin et donc …
Jam : Ça vient de partout !
Marion Sarlé : Ah mais oui, la carte du monde ! Et donc en fait, on a décidé de passer une partie de la formation en ligne. Tout ce qui est théorique en ligne, comme ça, les gens qui peuvent pas se déplacer au moins ils peuvent apprendre les bases. Et ceux qui peuvent se déplacer, c'est du coup 21h de formation en ligne puis 3 jours sur notre ferme. Et là ils viennent, ils apprennent les gestes de culture. La plupart du temps, c'est des gens qui, derrière veulent monter une entreprise, des gens qui veulent monter une micro-ferme ou une plus grosse ferme. Et après, il y a quand même souvent allez peut être 20% de particuliers qui veulent juste faire ça, voilà pour leur autonomie alimentaire. Ce qui est très intéressant.
Jam : En parlant d'autonomie alimentaire. Vous, ce n’était pas votre but de d'être autonome nutritivement donc vous avez des plantes aromates mais c'est de ça que vous vous nourrissez tous les jours donc vous avez quand même besoin d'aller ailleurs pour chercher à manger. C'est quelque chose que vous envisagez de créer une petite partie pour vous ? Un potager pour vous ?
Marion Sarlé : Ouais, ça y est on l'a ! Donc en effet, en en hors-sol, on a, on a toutes les aromates, on a certains légumes, aubergine, tomate, poivron et ensuite on a un potager en terre, on fait l’ail, l’oignon les patates, les haricots, les physalis et pas mal de fruitiers. Après je ne pense pas qu'on sera jamais autonome, franchement on s’en approche de plus en plus, à chaque fois, je note bien ça y est a des patates pour 6 mois, 6 mois dans l'année ! Je trouve ça top et puis du coup ça prend aussi beaucoup de temps, mais j'adore, on cuisine beaucoup, enfin beaucoup de conserves. Mais je trouve ça quand même. Moi j'aime bien l'idée de vivre en société et pas d'être vraiment 100% autonome. Donc on fait pas mal de troc, on a un producteur de viande, on lui amène des aromates et lui nous donne de la viande. Ça se fait assez naturellement en fait à la campagne mais ouais, j'aime bien l'idée que chacun soit un peu spécialisé dans un domaine et qu'on puisse échanger des choses.
Jam : Oui, c'est aussi ça, le fait d'être humain quoi, tu peux pas vivre tout seul, reclus, c’est pas normal.
Marion Sarlé : Il y en a qui le font, mais moi j'aime bien vivre en société, j'aime bien les gens !
Jam : Oui on est des êtres humains donc on est fait pour être pour vivre en communauté aussi. C'est vrai que même s'ils sont reclus, je pense que temps en temps, il leur faut un petit peu un petit contact humain quand même.
Marion Sarlé : Ah bah, c’est la conclusion de « Into the Wild » : le plaisir n'est valable que s'il est partagé.
Jam : Ça fait longtemps, ce film… OK donc c'est cool vos formations, une partie qui est disponible en ligne, une partie sur place. Et en complément de ta chaîne YouTube, est ce que t'as d'autres réseaux ? Euh, Facebook, Instagram ?
Marion Sarlé : Alors on est sur Facebook, on est sur Instagram, on est sur LinkedIn. Là où moi je prends beaucoup de plaisir à partager donc je partage le plus de chose c’est sur Instagram clairement, je fais beaucoup de story. Et après on a un blog aussi sur notre site internet donc c’est www.lessourciers.com et dans le blog je partage pas mal de choses. Ça peut être des recettes de cuisine, ça peut être des articles ou vraiment, des fois je me passionne sur un sujet, je me suis passionné sur les [… ?] et donc j'ai fait beaucoup de recherches là-dessus et j'ai mis tout ce que j'ai trouvé je les ai mis sur le site, sur l'agroforesterie... Après je vais aussi partager des choses qui sont utiles à d'autres maraîchers. Par exemple, on a eu un contrôle sanitaire et donc j'ai noté toutes les questions qui m'ont été posées, tout ce qu'ils ont regardé et tout ce qu'il faut… en fait les règles parce que moi personne ne les avait jamais dit. Et je me suis dit, bah vas-y j'ai tout écrit et j'ai tout partagé sur le blog en espérant que ça puisse en aider d'autres.
Jam : Ouais bah super, je suis sûr que ça aide beaucoup de gens. T'as 50 000 abonnés maintenant sur YouTube un peu plus.
Marion Sarlé : Ouais c'est fou.
Jam : Mais en 8 ans quand même, tu as démarré ta chaîne il y a 7-8 ans.
Marion Sarlé : Ouais, ça fait un bout de temps.
Jam : Ok, est ce qu'il y a quelque chose qu'on n'a pas abordé, dont tu veux parler ?
Marion Sarlé : Oui, il y a un sujet qui me tient à cœur en ce moment. C’est la relation entre le monde agricole urbain et rural. Et moi, j'ai vraiment l'impression de faire un peu le grand écart entre les 2, parce que j'ai grandi en ville et j'adore ça, l'agriculture urbaine. Et on a monté une association qui essaye justement de fédérer les agriculteurs urbains et de les protéger, de les accompagner dans le développement de l'agriculture urbaine qui apporte tant au niveau social que écosystémique. Et je fais aussi le grand écart avec le monde agricole rural qui est du coup plus conventionnel, parfois critiqué, parfois montrés du doigt et qui est pourtant celui qui nous nourrit tous. Et en fait, en ce moment, je n’ai pas la solution mais j'aimerais bien travailler sur, justement, comment adoucir les relations entre ces 2 mondes, que les ruraux arrêtent de traiter les urbains de bobo qui savent rien faire, et cetera et qui critiquent l'agriculture urbaine en disant que ça sert à rien. Et que les ruraux arrête de prendre les agriculteurs ruraux pour des paysans qui n'y connaissent rien et qui font tout mal parce que dans les 2 situations tout le monde fait beaucoup d'efforts, fais beaucoup de recherches, essaient d'être innovant pour justement créer de la nourriture de meilleure qualité. J'ai l'impression qu'on veut tous la même chose, mais qu’il y a juste un problème de communication quoi. Je ne sais pas comment faire, mais ça peut passer par des podcasts comme toi. Mais essayer de montrer que dans les 2 cas c'est qu'il y a quand même des gens qui sont hyper intéressant, hyper passionnant et qu'il faut les encourager quels qu'ils soient.
Jam : Mais je trouve que c'est un peu dans l'air du temps aussi. Le fait que voilà ce retour à la terre, quoi. Donc, c'est une tendance bénéfique que je vois apparaître depuis quelques années, et moi j'espère que ça va durer et que ça va s'améliorer encore plus.
Marion Sarlé : Ouais ouais, ça serait bien mais est que les néo ruraux soient bien accueilli quand ils arrivent aussi à la campagne. Mais aussi dans le Gers, les gens sont très accueillants donc on n’a pas eu de problème mais je sais que dans d'autres régions c'est plus difficile et que les urbains mettent pas tout le monde dans la même case. Et enfin ce problème de diabolisation de certains modes de culture comme si la permaculture c'était parfait et que tout le reste c’était nul. Et en fait il y a plein de nuances ! Et même le céréalier il fait plein d'efforts, il communique peut-être pas dessus mais ils font énormément de choses qui sont supers, qui sont très inspirantes. Et ouais, essayer de plus nuancer les propos quand on parle du monde agricole, que ce ne soit pas le bon et le méchant.
Jam : Il faut plus de tolérance et de toute façon on a besoin de diversité, on a besoin de cette richesse. C'est important.
Marion Sarlé : Ouais ouais, carrément.
Jam : Ok ben écoute, merci beaucoup pour ton temps. J'espère visiter un jour la ferme. Et puis bah peut être à une prochaine fois.
Marion Sarlé : Bah ouais, merci pour tes questions, tu es le bienvenu ici quand tu veux et pareil je te souhaite d’interviewer plein de gens passionnants.
Jam : Merci beaucoup. Allez Salut.
Marion Sarlé : Bye.
1/12/2022